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Un saisonnier grand comte

AU SILO DE BAZOGES-LA-CAMPAGNE

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Christian n'était pas très à l'aise dans ses baskets en passant la porte des bureaux du site de collecte de Bazoges-la-Campagne. La fine pluie gelée de cet après-midi de novembre, n'aidait pas ce technico-commercial à trouver le courage suffisant pour annoncer la nouvelle à son collègue Jérôme, le chef de silo.

En cette période de très faible activité, ce dernier était en plein rangement de dossiers. Après quelques banalités échangées sur le mauvais temps, Christian se lança.

« Tu sais Jérôme, ce n'est pas encore validé par le service du personnel, mais il y a de grandes chances pour que tu aies encore Bertrand de La Huchère comme saisonnier pendant un mois l'été prochain.

J'ai vu son père ce matin et il m'a bien fait comprendre que si on ne voulait pas qu'il aille acheter tous ses produits phytosanitaires chez Stock Appros, il faudrait qu'on redonne du boulot à Bertrand. »

« Mais tu plaisantes j'espère ? » Jérôme n'en revenait pas.

« Il est hors de question de reprendre ce fainéant sur mon site, même pas une semaine. L'été dernier, non seulement il m'a fait perdre mon temps, il a mis la pression sur toute l'équipe qui a dû faire le boulot à sa place et en plus il m'a pété deux chariots. Moi je n'en ai rien à foutre que son père soit comte de mes fesses et grand pote du président. La coop ne peut pas accepter ça. »

Christian se doutait bien de la réaction de son collègue, mais il devait pourtant bien lui faire entendre ses arguments à lui.

« Je suis d'accord avec toi Jérôme, et c'est pour ça que je voulais t'en parler avant. Parce que le directeur aussi a eu du mal à avaler la présence de ce grand benêt l'été dernier. Et même qu'il s'est bien pris la tête avec le président à ce sujet. Alors, c'est vrai que ça risque de faire du foin à l'assemblée générale de section dans quinze jours, et c'est pour ça que tu dois être de mon côté. Parce que le comte de la Huchère, c'est quand même 300 ha et le tiers du chiffre d'affaires phytos de ma zone.

Et s'il fait ce qu'il dit et qu'il se barre chez le négociant, ce sera moi la première victime. Alors fais un effort. Toi, c'est qu'un mauvais mois à passer, moi ce sera toute une campagne. »

Laurent Caillaud

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